Analyse d’un logement haussmannien “indigne”

La parcelle. Source : Google Map.
La parcelle. Source : Google Map.

Quel avenir pour un logement situé dans un immeuble haussmannien de prestige, considéré comme une passoire énergétique, indigne, impropre à la location ?
Comment un copropriétaire peut-il intervenir pour améliorer les performances énergétiques de son logement ?

Le logement proposé à la réflexion est situé dans un immeuble haussmannien, construit vers 1870, à Paris. Ces immeubles ont constitué l’urbanisation de certains quartiers de nos grandes villes du XIXe et représentent un corpus patrimonial important.

Ce nouveau mode d’habiter devait apporter aux habitants le confort lié aux progrès technologiques, tels les réseaux, mais aussi d’offrir des conditions sanitaires optimales.
Ils présentent généralement deux façades principales opposées sur rue et cour ou entre deux cours, réalisées dans des matériaux nobles, telle la pierre ou la brique. Ils sont souvent adossés à deux mitoyens, mais parfois le parcellaire induit des pignons sur voisin. Afin d’apporter de la lumière dans toutes les pièces et assurer une ventilation naturelle, des courettes aux parements enduits complètent le dispositif.

Contexte géographique et descriptif du cas étudié

Immeuble arrière, façade ouest et retour. © C. Combin.

L’appartement est situé dans un lotissement, formé de quatre pavillons et deux immeubles de rapport.

Fenêtre et décor intérieur. © C. Combin.

D’une surface de cent dix m², il est situé en étage intermédiaire. Il présente des façades de briques et pierre, orientées est et ouest, un pignon en meulières enduit et une courette donnant une autre parcelle côté sud. Les fenêtres d’origine sont munies de persiennes. Les pièces principales ont des décors de moulures au plafond, certaines des lambris.

La parcelle est raccordée au gaz de ville, chaque copropriétaire disposant d’une chaudière individuelle.

Quelques modifications de plan ont été réalisées. D’un point de vue technique, les travaux réalisés en 2008 ont constitué au remplacement de la chaudière par un modèle à condensation, couplée à un thermostat jour/nuit, à la réfection de l’électricité et des pièces humides. Il n’y a pas eu d’ajout de ventilation motorisée, sauf pour la salle de douche supplémentaire. Il n’y a pas eu d’intervention sur les parois, ni sur les menuiseries d’origine en parfait état de fonctionnement.

Le confort thermique ressenti par l’occupant est très satisfaisant pour une consommation énergétique jugée raisonnable.

La classification du logement par le DPE1 et les interrogations qu’elle suscite

Le “nouveau” diagnostic de performance énergétique, refondu en 2021, a étiqueté le logement en G.

Pour rappel, les indicateurs du DPE sont les suivants :
« Le calcul tient compte de tous les postes de consommation. De nouveaux indicateurs sur le confort d’été et sur la ventilation sont introduits. Les coûts annuels d’énergie sont estimés pour une utilisation standard qui ne peut être comparée aux factures réelles des usagers. L’étiquette intègre deux volets : la consommation d’énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre. L’étiquette est déterminée selon sa plus mauvaise performance. »

Le classement en G interpelle et il convient de s’interroger et d’en tirer quelques propositions :

  • Comment a été estimée la consommation énergétique au regard de celle sur facture ?
  • Quels coefficients ont été appliqués pour arriver à une classification aussi dégradée ?
  • Comment a été pris en considération le confort d’été, reconnu dans ce type de construction ?

Au regard du patrimoine XIXe qui constitue nos villes et du diagnostic précité, c’est tout un parc immobilier remarquable qui est étiqueté G ou F, considéré énergivore, ou E dans le cas d’immeubles plus compacts. Tous ces logements seront progressivement sortis du marché locatif entre 2025 et 2034, s’ils ne peuvent atteindre une meilleure étiquette.

Comment un copropriétaire peut agir pour améliorer la performance énergétique d’un logement haussmannien ?

Premier immeuble. © C. Combin.
  • Au niveau de la copropriété, une ITE2 sur la courette n’est pas envisagée. Elle reste possible, malgré un coût important dû aux suggestions des descentes et gaines de ventilation placées à l’extérieur.

  • A Paris, les copropriétés ayant un chauffage collectif peuvent se raccorder au CPCU3 , qui contient plus de 50% d’énergies renouvelables. En revanche, pour le chauffage individuel, il n’est pas possible, de remplacer le gaz, énergie carbonée, par une autre source, à l’exception de l’électricité.

Que peut faire un propriétaire à titre individuel pour améliorer son logement, si l’ITE n’est pas possible sur les façades, ni l’ITI4 dans les pièces principales au regard de leurs décors ?

  • Isoler par l’intérieur avec un matériau respirant, type fibres et plâtre, les autres parois froides, sous réserve d’avoir la place et de travaux induits raisonnables. Dans les pièces humides, les précautions d’usage nécessiteront l’ajout d’une ventilation mécanique. Il n’est pas envisager le remplacement des fenêtres, au motif d’un coût estimé à quarante mille euros, non compris les réfections de peinture inhérentes, et d’un bilan carbone jugé lourd et incohérent au regard du bon état des menuiseries existantes.

  • Étancher à l’air les fenêtres par l’ajout de joints périphériques insérés par rainurage et collage, intervention nécessitant la dépose des ouvrants par un professionnel.

  • Remplacer les vitrages coulés XIXe par du vitrage simple isolant très cher, ou, sous réserve d’épaisseur de bois suffisante, par du double vitrage mince. Un dispositif complémentaire devra palier à la perte de la ventilation naturelle afin ne pas créer de désordres irréversibles.

  • Changer à nouveau la chaudière à gaz  : les technologies actuelles ne permettent pas une économie de consommation notable, par rapport à un appareil relativement récent.

Ainsi, seule une étude approfondie, menée par un professionnel du bâtiment, pourra déterminer la faisabilité technique et le gain énergétique de l’ensemble.

Le paradoxe des immeubles patrimoniaux

Face à un patrimoine de qualité et en bon état, la meilleure économie est la durabilité, qui passe par la conservation avec des interventions minimes, gage d’un bilan carbone réel qui prend en compte la fabrication et non seulement l’exploitation.

Par ailleurs, le bon sens (chauffage réduit lors d’absence, fermeture des persiennes, pose de rideaux épais) permet à faible coût de participer à l’effort de sobriété énergétique.

Malheureusement, ces considérations ne sont pas prises en compte dans le calcul du DPE.

Immeuble arrière, façade est. © C. Combin.

Quelques propositions pour améliorer la performance énergétique d’un logement patrimonial haussmannien

Il ressort de cette analyse les limites des interventions possibles à titre individuel.

En effet, malgré la surface perdue par la pose d’une ITI, qui représente un coût important en zones tendues, un logement peu patrimonial, dépourvu de décors intérieurs, et vétuste (fenêtres fuyantes, installations de chauffage obsolètes..) peut plus facilement et de façon moins onéreuse obtenir une étiquette favorable, car les interventions seront plus simples et qu’il sera éligible aux subventions.

Dans le cas présent, compte-tenu d’une absence d’alternative au gaz de ville qui dégrade la note, à titre individuel, le passage en F semble le maximum.

Par conséquent, à plus long terme, au regard d’une ambition partagée, seule une intervention collective pourra permettre d’aller plus loin et être économiquement soutenable à titre individuel. Elle doit introduire la notion de réversibilité et la prise en compte du bilan carbone global, incluant fabrication et transport.

Elle se joue à plusieurs niveaux :

  • Celui de la copropriété qui pourrait réaliser une ITE adaptée sur courette, d’autant plus efficace que ces murs sont souvent minces,

  • Celui de la formation des diagnostiqueurs pour qu’ils puissent mener une analyse plus fine, avec la prise en compte du comportement du bâtiment et du confort,

  • Celui de la recherche et de l’innovation technologique par les industriels, afin de rendre le matériel plus performant, de limiter les pertes par acheminement, de rendre les installations plus rentables,

  • Celui de la puissance publique pour trouver d’autres sources mutualisées, (panneaux voltaïques, liaison au CPCU…), à l’échelle d’un îlot ou de la ville, et rendre possible le raccordement de chacun.

Ainsi, seule une vision à long terme permettra de reconnaître le potentiel et la résilience de ce patrimoine, tant au niveau du vécu individuel que de son urbanité.

  1. Diagnostic de performance énergétique.
  2. Isolation thermique par l’extérieur.
  3. Compagnie parisienne du chauffage urbain. Cette société d’économie mixte est chargée du chauffage urbain dans Paris et certaines villes de la petite couronne parisienne. Il s’agit d’un chauffage collectif à l’échelle de la ville, qui produit de la chaleur à partir de divers combustibles : gaz et biogaz, charbon et granulés de bois, biocombustibles liquides, etc.
  4. Isolation thermique par l’intérieur.
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